Bail d’habitation loi « 1989 » : charges récupérables
Connaître la liste des charges récupérables pour un bail d’habitation
(ou à un contrat de location d’un logement en meublé)
Locations concernées
Nous évoquons ici la location nue ou en meublé de logements (ou locaux à usage mixte professionnel et d’habitation), et qui constituent la résidence principale du preneur. La « résidence principale » est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge.
Relèvent d’un autre régime juridique les locations à caractère saisonnier, de résidence secondaire, les locations mixtes à usage commercial et d’habitation, les locations portant sur un logement de fonction, les locations portant sur des locaux loués indépendamment d’un logement principal ou des logements loués à une personne morale.
Régime des charges
La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 permet à un bailleur, en cours de location, de réclamer à un locataire le paiement de certaines charges, appelées « charges récupérables », en tant que sommes accessoires au loyer principal. Le législateur a entendu encadrer strictement le régime applicable.
En location nue, le régime applicable pour les charges est fixé par l’article 23 de la loi de 1989.
L’article 25-10 de la loi de 1989 organise un régime particulier pour les charges, aux contrats de location de logements meublés dès lors qu’ils constituent la résidence principale du locataire.
L’article 8-1 V de la loi de 1989 organise également un régime particulier en cas de colocation au sens de la loi, telle que modifié par une loi no 2015-990 du 6 août 2015, dite « loi Macron ».
Location nue. L’article 23 de la loi de 1989 précise que les charges récupérables sont exigibles sur justification en contrepartie :
- Des services rendus liés à l'usage des différents éléments de la chose louée ;
- Des dépenses d'entretien courant et des menues réparations sur les éléments d'usage commun de la chose louée. Sont notamment récupérables, à ce titre, certaines dépenses engagées par un bailleur dans le cadre d'un contrat d'entretien d’un ascenseur ;
- Des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement.
Pour la mise en œuvre du texte, tout bailleur doit savoir qu’il peut, en principe, uniquement « répercuter » à un locataire les charges visées par une liste « réglementaire », fixée par décret.
Pour un bailleur social (office HLM), la liste est fixée par un décret n° 82-955 du 09 novembre 1982.
Pour le parc privé, c’est un décret n° 87-713 du 26 août 1987 qui fixe la liste (limitative) des charges récupérables auprès d’un locataire, dans le cadre d’un bail d’habitation régi par la loi de 1989. Ce texte n’a connu qu’une seule évolution depuis 1987, mais importante, à la suite d’un décret 2008-1411 du 19 décembre 2008.
Il faut savoir que la jurisprudence interprète strictement, voire littéralement, cette liste, qu’elle considère comme non exhaustive. La liste des charges récupérables est strictement limitative (Cass. 3e civ. 02.03.2017 n° 15-19418). Au moindre doute, il convient à ce sujet de se référer à la liste des charges récupérables, au regard des précisions apportées par la loi ou le décret, mais aussi au vu de la jurisprudence ou des réponses ministérielles, en la matière.
Sous cette réserve, les charges locatives peuvent donner lieu au « versement de provisions » mensuelles, à condition de le prévoir expressément dans un bail (montant, etc.). Une régularisation des charges, au moins une fois par an, sera ensuite à effectuer, dans les conditions prévues par la loi.
Les demandes de provisions doivent pouvoir être justifiées au locataire par la communication de résultats antérieurs arrêtés lors d’une précédente régularisation des charges et, lorsque l’immeuble est en copropriété, par le « budget prévisionnel » (à réclamer au syndic). Si le bailleur est une personne morale (SCI, ...), il se doit d’établir ce budget prévisionnel.
Dans une monopropriété, la répartition des charges communes doit reposer sur la seule consistance des locaux loués (surface, etc.). Une individualisation en considération de critères personnels aux locataires n’est pas possible (par exemple majoration de charges d’entretien de locaux communs pour le détenteur d’un chien, etc.). La répartition doit s’effectuer au moyen de coefficients ou de « clés » établis de manière objective et équitable pour les équipements (ascenseur, etc.) ou services communs (jardinet, etc.), selon leur utilité réelle pour les locataires.
En tout état de cause, il est prudent de fixer le montant d’une provision mensuelle au plus juste, et de ne pas la sous-évaluer volontairement.
Lorsqu’un logement est situé dans un immeuble est soumis au statut de la copropriété, un bailleur est tenu de communiquer d’emblée au locataire les extraits utiles du règlement de copropriété, précisant la quote-part afférente au lot loué dans chacune des catégories de charges.
À la suite d’une ordonnance n° 2020-866 du 15 juillet 2020 (JO du 16.07.2020), et à partir du 25 octobre 2020, un mois avant la régularisation des charges, dans un immeuble collectif (mono/copropriété) doté d’équipements télé-relevables, un bailleur doit adresser au locataire une note d'information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire collectifs et sur la consommation individuelle de chaleur et d'eau chaude sanitaire du logement. Cette note d’information fait l’objet d’une notice distincte.
Location d’un logement en meublé (résidence principale). Il est possible d’en passer par le régime dit au « réel », avec des provisions. Dans ce cas, il convient désormais de respecter les règles applicables en location nue. Le procédé du « forfait de charges » est également possible, mais il est désormais strictement encadré, à la suite de la loi Alur du 24 mars 2014. Le montant et la périodicité du versement sont à définir dans le contrat. Le montant du forfait doit, en outre, être, d’une part, fixé en fonction du montant qui « pourrait » être réclamé en utilisant le régime dit « au réel ». En outre, le montant ne doit pas être « manifestement disproportionné » au regard des charges qu’a dû assumer un « précédent locataire ». En tout état de cause, le « forfait » doit être fixé dans le contrat de location avec soin, car il ne peut ensuite donner lieu à « complément » ou à « régularisation ultérieure ». Notez que le forfait prévu peut être « révisé » chaque année sur la base de l’IRL (prévoir une clause expresse dans le contrat, à ce sujet).
Colocation (logement loué nu ou en meublé). Un « forfait » de charges est possible en cas de colocation, au sens de la loi, mais la loi Alur du 24 mars 2014 a strictement encadré le procédé (loi du 06.07.1989, art. 8-1 V). La loi précise que les charges locatives, accessoires au loyer, peuvent être récupérées par le bailleur sous la forme d’un forfait versé simultanément au loyer. Mais le montant et la périodicité de versement du « forfait » sont à définir dans le bail. En outre, le montant du forfait doit être fixé en fonction du montant qui « pourrait » être réclamé en utilisant le régime dit au réel (provisions sur charges). Il ne doit pas, par ailleurs, être « manifestement disproportionné » au regard des charges qu’a dû assumer un « précédent locataire ». En tout état de cause, le forfait doit être fixé dans le bail avec soin, car il ne peut ensuite donner lieu à « complément » ou à « régularisation ultérieure », en principe. Le forfait peut être « révisé » sur la base de l’IRL, chaque année, aux mêmes conditions que le loyer principal. Ce régime s’applique à toute colocation au sens de l’article 8-1 de la loi du 6 juillet 1989, tel que modifié par la loi Macron du 6 août 2015. À cet égard, est concernée « la location d’un même logement par plusieurs locataires, constituant leur résidence principale, et formalisée par la conclusion d’un contrat unique ou de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur, à l’exception de la location consentie exclusivement à des époux ou à des partenaires liés par un pacte civil de solidarité au moment de la conclusion initiale du contrat ». Notons que la loi Macron a exclu expressément de ce régime de la « colocation » une location « consentie exclusivement » à un couple marié ou pacsé. Ainsi, on ne peut utiliser le régime du forfait en cas de location à un couple marié ou pacsé.
Bail mobilité. Un contrat de location de courte durée d’un logement meublé, appelé « bail mobilité », a été créé par l’article 107 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (JO du 24.11.2018), dite loi Elan. Le « bail mobilité », qui est défini comme « un contrat de location de courte durée d’un logement meublé » (loi du 6 juillet 1989, art. 25-12), fait l’objet d’un titre d’ordre public, comportant sept articles spécifiques, dans la loi du 06.07.1989 (art. 25-12 et suiv.).
Dans le cadre d’un bail mobilité, les charges locatives accessoires au loyer principal peuvent être récupérées par le bailleur sous la forme d’un forfait versé simultanément au loyer, dont le montant et la périodicité de versement sont à définir dans le contrat de location. Le « forfait » ne peut donner lieu à complément ou à régularisation ultérieure. Le montant du forfait de charges doit être fixé en fonction des montants exigibles par le bailleur comme en matière de location nue. Ce montant ne « peut pas être manifestement disproportionné au regard du dernier décompte par nature de charges rapporté à la périodicité de versement du forfait » (loi du 06.07.1989, nouvel art. 25-18).
En pratique, les charges locatives doivent ainsi être forfaitisées selon la durée du bail. Il n’y a pas de possibilité de demander une provision pour charges, ni complément ou régularisation.
Rédaction des contrats de location. Un bailleur ou son mandataire doit veiller à insérer, dans tout contrat de location, une rubrique appropriée sur les charges, répondant aux exigences de l’un ou l’autre des contrats types prévus par le décret du 29 mai 2015. Une clause spécifique est à prévoir pour organiser une résiliation de plein droit en cas d’impayé.
Annonces. Un agent immobilier ou ADB, mandaté pour la mise en location d’un logement, doit veiller à ce que ses annonces soient rédigées en bon ordre, pour les mentions requises sur les charges (ou à proscrire), au vu d’un arrêté ministériel du 10 janvier 2017, et de la doctrine de la DGCCRF. Pour seul exemple, l’utilisation d’abréviations est interdite pour une annonce diffusée sur Internet. Le texte n’autorise que les (seules) abréviations « /mois » et « CC » sur les « supports physiques », en clair des annonces sous format papier (presse, vitrine, etc.).
Incidence de la réforme Elan. Il est à noter que le législateur avait prévu de retoucher le dispositif légal sur les charges dans le cadre de la réforme « Elan ». Un texte de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, telle qu’adoptée par le parlement le 16 octobre 2018, comportait un article qui prévoyait que le décret sur les charges serait révisé tous les cinq ans, à compter du 1er janvier 2019. Le texte concerné a toutefois été retoqué par le Conseil constitutionnel, en tant que cavalier législatif (Cons. Const. DC du 15.11.2018 n° 2018-772, JO du 24.11.2018 n° 0272).
Mise à disposition des documents (copropriété). Un bail d’habitation peut prévoir que les charges récupérables donnent lieu au versement de provisions par un locataire (régime dit réel). Dans ce cas, les charges doivent faire l’objet d’une régularisation annuelle. Un mois avant la régularisation, le bailleur doit communiquer au locataire un décompte de charges. Durant six mois à compter de l’envoi du décompte, les pièces justificatives des charges (factures, contrats, etc.) doivent en outre être tenues, dans des conditions normales, à la disposition du locataire. Jusqu’à récemment, aucun texte ne précisait la manière dont les pièces justificatives de charges, détenues par le syndic de la copropriété concernée, pouvaient/devaient être mises à disposition d’un locataire. C’est désormais le cas. Un décret du 27 juin 2019 (JO du 28.06.2019) est venu retoucher l’article 9-1 du décret du 17 mars 1967, à ce sujet. Ce texte prévoit qu’entre la convocation à l’AG annuelle des copropriétaires et la tenue de l’AG, pendant au moins un jour ouvré, le syndic doit tenir les pièces justificatives des charges de copropriété, en principe dans ses locaux, à disposition des copropriétaires pour consultation. Désormais, le texte précise qu’un copropriétaire peut « se faire assister par son locataire ou autoriser ce dernier à consulter en ses lieu et place les pièces justificatives » de charges récupérables au titre de la loi de 1989. Un copropriétaire peut aussi demander à un syndic une copie des pièces concernées, à ses frais.