Dossier du candidat-locataire (location de logements)
Demander des pièces justificatives à un candidat-locataire
Une liste réglementaire à prendre en compte
La loi Alur du 24 mars 2014 avait prévu de fixer, par voie réglementaire, une « liste limitative des pièces justificatives pouvant être exigées du candidat à la location (…) par le bailleur, préalablement à l’établissement du contrat de location » (loi du 6 juillet 1989, article 22-2).
En application de la loi Alur, un décret n° 2015-1437 du 5 novembre 2015, entré en vigueur le 8 novembre 2015, est venu fixer la liste des pièces justificatives pouvant être demandées au candidat à la location.
Précisément, le décret comporte une annexe I recensant la liste des pièces justificatives pouvant être exigées de « chacun » des candidats à la location. La liste des pièces figurant dans le décret est limitative : on ne peut donc exiger d’autres documents d’un candidat locataire.
Locations concernées
Le décret du 5 novembre 2015 doit être pris en compte pour la mise en (co)location de tout logement (parc privé) à titre de résidence principale. Les locations nues mais aussi en meublé, y compris à un étudiant, sont concernées. Le texte intéresse tout bailleur (particulier ou professionnel) qui loue en direct, mais aussi tout mandataire chargé de la mise en location d’un logement : agent immobilier, administrateur de biens (ADB), notaire, huissier…
Tout bailleur ou mandataire se doit de respecter les termes du décret du 5 novembre 2015. À défaut, il risque une amende administrative, pouvant atteindre 3 000 € (personne physique) et 15 000 € (personne morale).
Un bail mobilité, qui est un contrat de location de courte durée d'un logement meublé, est également concerné (loi de 1989, art. 25-12).
Pièces exigibles
Le décret du 5 novembre 2015 comporte une annexe recensant la liste des (seules) pièces justificatives pouvant être exigées de chacun des candidats à la location.
De la carte d’identité à l’avis d’imposition sur le revenu en passant par les (trois) derniers bulletins de salaires, le décret du 5 novembre 2015 permet de demander aux intéressés, selon les cas, un seul ou plusieurs documents concernant leur identité, leur domicile, leurs activités professionnelles, et enfin leurs ressources.
Les pièces fournies par les intéressés doivent être rédigées ou traduites en français.
Un bailleur ou son mandataire ne peut exiger des documents originaux. Mais le décret du 5 novembre 2015 précise toutefois que les originaux doivent pouvoir être présentés sur demande (et ce, pour toute pièce).
Un bailleur ou mandataire ne peut réclamer d’autres pièces que celles visées dans la liste réglementaire, dans les conditions fixées par le décret du 5 novembre 2015. À ce titre, pour l’examen d’un dossier de location, on ne peut demander aux intéressés, notamment, une copie de leur livret de famille ou un relevé d’identité bancaire. En outre, on ne peut réclamer de pièce spécifique touchant leur situation familiale.
Vérification d’identité. Pour un candidat-locataire, le décret permet de lui demander une pièce justificative d’identité en cours de validité, parmi les documents suivants : carte nationale d’identité, passeport, permis de conduire. Pour un candidat locataire étranger, le décret vise aussi un document justifiant du droit au séjour : carte de séjour temporaire, de résident, ou de ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen (décret de 2015 ann. I et II, A) .
Jusqu’à récemment, le décret du 5 novembre 2015 permettait de demander une pièce justificative d’identité comportant la signature de son titulaire. Un décret n° 2019-1019 du 3 octobre 2019, publié le 5 octobre 2019 est toutefois venu retoucher le texte, pour supprimer la référence à la signature.
Suivant la notice de présentation du décret, la retouche a été principalement motivée comme suit. Les « pièces justificatives de l’identité délivrées par des autorités étrangères ne comportent pas systématiquement la signature de leur titulaire, conformément à leur législation nationale ». Leurs ressortissants, s’ils disposent seulement de l’une de ces pièces, sont ainsi « susceptibles de rencontrer des difficultés pour se loger dans le parc locatif privé ».
On peut demander à un candidat locataire une « pièce justificative d’identité en cours de validité » parmi les documents suivants : carte nationale d’identité ; passeport ; permis de conduire. Pour un candidat-locataire de nationalité étrangère, le décret vise aussi un document justifiant de son « droit au séjour » en France. Il peut s’agir, notamment, d’une carte de séjour temporaire, de résident, de ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen. Le Défenseur des droits, chargé de lutter contre les discriminations, a indiqué que la liste « alternative » du décret ne permet de demander qu’une seule parmi les quatre pièces citées (CNI, passeport, permis, titre de séjour). Il est toutefois à relever que, pour le Défenseur des droits, demander son titre de séjour, de la part d’un candidat de nationalité étrangère, n’est justifié que s’il « ne fournit aucun des autres documents ». Le Défenseur des droits a relevé que des « pratiques qui conduiraient à refuser la location en l’absence de présentation d’un titre de séjour indûment exigé, conduiraient à conditionner la location à un contrôle et des vérifications supplémentaires, du seul fait de la nationalité (...) et caractériseraient donc une discrimination fondée sur la nationalité ».
Il reste toujours possible de demander une pièce d’identité avec une photographie. Si la pièce produite peut être une simple copie, le document original doit pouvoir être présenté, à votre demande.
Solvabilité. Au visa des articles 1991 et 1992 du Code civil (droit commun des mandats), la Cour de cassation a posé le principe inédit suivant : « l’agent immobilier, négociateur d’une opération locative, est tenu, quelle que soit l’étendue de sa mission, de s’assurer de la solvabilité des candidats à la location à l’aide de vérifications sérieuses » (Cass. 1e civ. 16.11.2016 n° 15-23790). La Cour de cassation a également jugé qu’il « résulte de ces textes que l’agent immobilier est tenu, quelle que soit l’étendue de sa mission, de s’assurer de la solvabilité des candidats à la location à l’aide de vérifications sérieuses ». Il appartient donc à un agent immobilier ou ADB « de vérifier de manière sérieuse » la solvabilité du locataire (Cass. 1e civ. 11.03.2020 n° 18-26577).
Le principe vaut pour tout type de location. Pour un logement, les vérifications doivent être « réalisées dans les limites prévues par l’article 22-2 » de la loi de 1989 (Cass. 1e civ. 16.11.2016 n° 15-23790), au vu des pièces exigibles.
Au titre de l’article 22-2 de la loi de 1989, un agent immobilier ou ADB peut uniquement réclamer certaines pièces notamment concernant l’activité professionnelle ou les ressources d’un candidat à la location. Pour apprécier sa solvabilité, les pièces à réclamer et à étudier sont à ce titre celles visées par les rubriques C et D de l’annexe au décret n° 2015-1437 du 05.11.2015. Pour pouvoir (au besoin) justifier de ses diligences, le professionnel sera à cet égard bien avisé de conserver les pièces concernées dans ses archives.
Côté agent immobilier et ADB, si un bailleur souscrit une assurance GLI, veillez à bien vérifier qu’un (candidat) locataire remplit bien les critères de solvabilité fixés par l’assureur. Côté ADB, pour ne pas risquer une lourde condamnation, il est impératif d’effectuer une déclaration de sinistre en bon ordre, et ce en temps utile, en cas d’impayés. En cas de litige avec un client, pensez aussi à faire le nécessaire pour déclarer le sinistre, au besoin, auprès de votre assureur RCP (cf. Cass. 1e civ. 04.05.2012 n° 10-28313).
Ce qu’il faut aussi prendre en compte
Pour les pièces réclamées. Dans une publication, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a stigmatisé des pratiques illicites, de la part d’agences immobilières, pour les pièces demandées aux futurs locataires de logements, et leurs cautions. La CNIL est venue expliquer que le décret du 05.11.2015 ne serait pas (systématiquement) respecté par les agences immobilières. De « nombreuses pièces complémentaires telles que des attestations d’absence de crédit en cours ou des dossiers médicaux » seraient exigées par des agences. Selon la CNIL, cette pratique « aurait même augmenté » La CNIL a indiqué que, pour ses contrôles, réalisés au titre de sa mission, elle focaliserait notamment son attention sur les pièces justificatives demandées par les agences, afin de vérifier si le décret de 2015 est respecté.
Discriminations. Pour « sélectionner » un locataire, il est en tout état de cause impératif de tenir compte de la législation visant à sanctionner, y compris sur le plan pénal, certaines discriminations. La loi précise désormais qu’aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement pour un motif discriminatoire défini à l’article 225-1 du Code pénal. Au titre de l’article 225-1 du Code pénal, texte retouché par une loi du 18 novembre 2016, constitue une « discrimination toute distinction opérée entre les personnes » fondée notamment sur leur origine, sexe, situation de famille, grossesse, apparence physique, situation économique, patronyme, lieu de résidence, état de santé, perte d’autonomie ou handicap, mœurs ou orientation sexuelle, identité de genre, âge, opinions politiques, outre sur “leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français” ou sur leur (non-)appartenance vraie ou supposée “à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée”.
Notons qu’est aussi prohibée, pour l’un de ces motifs, une discrimination indirecte, telle une « pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner (...) un désavantage particulier » (loi n° 2008-496 du 27.05.2008 article 1).
En pratique, il revient à un bailleur (ou ADB) de pouvoir justifier qu’il n’a pas « discriminé » les candidats-locataires qui se plaindraient de ne pas avoir été retenus. À cet égard, il est prudent de conserver toutes les pièces de leurs dossiers, pour prouver l’objectivité de la sélection.
Un professionnel Hoguet doit veiller à « ne commettre aucune des discriminations » visées (Code de déontologie. art. 3, 1°). Notons que, pour la sélection de locataires, seuls des critères « en rapport avec la mise en location et les garanties recherchées pour son bon déroulement, à l’exclusion de tout critère fondé sur des préjugés ou des stéréotypes », sont admissibles (Défenseur des droits, décision 2018-020 du 09.03.2018).
Protection des données personnelles. Dans le cadre de ses activités, un professionnel Hoguet doit désormais tenir compte du « règlement européen sur la protection des données personnelles » (RGPD), découlant d’un règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016.
En pratique, un agent immobilier ou ADB doit faire le nécessaire pour se mettre en conformité avec le RGPD, et la réglementation afférente - loi de 1978 « nouvelle version ». Il doit en effet veiller au bon « respect » de la loi de 1978 (C. déont. art. 3).
La Cnil propose de nombreuses ressources sur les démarches à mener, au titre du RGPD, sur son site Internet (https://www.cnil.fr). Il convient notamment de constituer un « registre des activités de traitement » des données. La loi impose aussi parfois de désigner un « délégué à la protection des données » (DPO), auprès de la Cnil. Pour une petite structure, la désignation d’un DPO n’est pas obligatoire, mais recommandée.
Un professionnel doit aussi fournir diverses informations à toute personne dont les données sont collectées et traitées, tel sur les droits qui lui sont reconnus (droit d’accès, etc.).
Lorsqu’un traitement de données personnelles est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes concernées, une « analyse d’impact sur la protection des données » (DPIA - Data Protection Impact Assessment - Analyse d’impact relative à la protection des données - AIPD ou PIA) est requise au titre du RGPD.
L'article 35.1 du Règlement général relatif à la protection des données (RGPD) prévoit ainsi qu'une analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD) doit être menée quand un traitement est « susceptible d'engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes concernées ».
À ce sujet, une délibération n° 2018-327 du 11 octobre 2018 de la Cnil est venue fixer une liste (non limitative) des types d’opérations de traitement pour lesquelles une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD) est requise. Au titre de la délibération, est concernée l’instruction des demandes et gestion des logements sociaux. Pour la Cnil, est par exemple concerné un traitement visant à permettre l’instruction des demandes de logement social en location ou en accession à la propriété.
Une délibération n° 2019-118 du 12 septembre 2019 est venue fixer la liste des types d'opérations de traitement pour lesquelles une analyse d'impact relative à la protection des données n'est pas requise. Sont concernés les traitements mis en œuvre par les notaires aux fins d'exercice de leur activité notariale et de rédaction des documents des offices notariaux.
Jusqu’à récemment, côté professionnel Hoguet, si vous comptiez utiliser ou utilisiez un logiciel permettant le traitement d’informations personnelles nominatives concernant vos (futurs) clients en location (mandats de recherche de locataire, gestion locative), vous étiez tenu d’effectuer une déclaration (préalable) auprès de la CNIL, en respectant la norme simplifiée n° 21 de 2003 relative à la gestion des biens immobiliers. Cette norme simplifiée dite NS-021 définissait les données personnelles qui peuvent faire l’objet d’un traitement informatique, du candidat locataire au propriétaire, en passant par les cautions, mais aussi les données sur les biens rentrés en mandat.
Le mécanisme de déclaration (ou d’autorisation) préalable pour des fichiers informatiques a été supprimé par une loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 (JO du 21.06), appelée aussi loi « Cnil 3 », dans le cadre de la mise en œuvre du RGPD. Comme l’a indiqué la Cnil, les normes simplifiées, telle la NS-021 pour un professionnel Hoguet, n’ont plus de « valeur juridique ». La Cnil a toutefois précisé que, dans l’attente de « référentiels RGPD », vous pouvez en tenir compte pour « orienter vos premières actions de mise en conformité » au RGPD.
Des décisions ou publications de la Cnil de 2019 invitent tout agent immobilier et/ou ADB à bien faire le nécessaire pour respecter la réglementation, en ce domaine.
Information d’un candidat-locataire. Pour la Cnil, il est nécessaire d’informer des candidats à la location des droits qu’ils détiennent (droit d’accès, droit de rectification, etc.) à l’égard des données collectées, lors de la transmission de leur dossier. Cette information doit être portée à la connaissance d’un candidat-locataire au moment de la remise de son dossier. Pour la Cnil, en pratique, ces droits peuvent être (d’emblée) précisés sur le « formulaire de renseignements » à compléter par le candidat-locataire.
Conservation des données. Pour la Cnil, la durée de conservation de données personnelles doit être fixée au vu de la finalité poursuivie. Une fois celle-ci atteinte, les données doivent être supprimées ou faire l’objet d’un « archivage intermédiaire » si leur conservation s’impose pour le respect d’obligations légales, ou à des fins (pré)contentieuses. Vous devez prévoir, à cet effet, une « base de données d’archives dédiée ou une séparation logique dans la base de données active », en vous assurant que seules les personnes ayant un intérêt à traiter les données au vu de leurs fonctions puissent y accéder. Pour la Cnil, les données personnelles des candidats n’ayant pas accédé à une location « ne peuvent plus être conservées au-delà de trois mois, au sein de la base de données active et [doivent] au-delà faire l’objet d’une séparation logique voire d’un archivage intermédiaire ». Pour vos activités, tenez compte de la norme simplifiée NS-021, en l’état.
La Cnil a souligné l’importance de mettre en œuvre des mesures de limitation de la durée de conservation des justificatifs transmis par des candidats-locataires, et ce « tout particulièrement » dans le cas où leur demande serait finalement rejetée. À ce titre, pour la Cnil, des pièces justificatives doivent être (en principe) détruites « dès lors qu’elles n’apparaissent plus utiles pour la décision d’attribution du logement ». Un archivage est « néanmoins possible pour répondre à des obligations légales ». On pense ici à la réglementation Hoguet ou LCB/FT (anti-blanchiment).
Sécurisation des données. Pour la Cnil, côté professionnel Hoguet, vous devez assurer la sécurité de données personnelles par des moyens permettant de garantir leur confidentialité, afin d’empêcher qu’elles soient accessibles à des tiers non autorisés. À cet égard, une procédure d’authentification des utilisateurs d’un site « constitue une précaution d’usage essentielle ». Pour la Cnil, dans la mesure où vous traitez des documents contenant des informations « très précises sur certains aspects de la vie privée des personnes », la mise en place de mesures de sécurité appropriées est d’autant plus importante. Si vous êtes alerté d’une vulnérabilité (faille) sur votre site, des mesures doivent être prises en urgence.
La Cnil a souligné que les données collectées, lors de la constitution d’un dossier locatif, révèlent de nombreuses informations sur la vie privée. Ces données doivent, dès lors, faire l’objet de mesures de protection appropriées. Il s’agit d’assurer la sécurité physique des justificatifs fournis au format papier, et la « sécurité logique » des données numériques. À cet égard, pour la Cnil, il convient au besoin de faire le nécessaire en « rehaussant le niveau de sécurité informatique des systèmes contenant les pièces justificatives au format numérique et en améliorant la politique de gestion des accès à ces pièces ».
Pièces justificatives. Dans le cadre de sa mission, la Cnil peut être amenée à contrôler le bon respect du décret n° 2015-1437 du 5 novembre 2015, qui fixe la liste des pièces pouvant être demandées à un candidat-locataire. Pour la Cnil, il faut « éviter toute demande de pièce excessive » (sic).