La résiliation du bail d’habitation (loi du 6 juillet 1989)
Faire jouer une clause résolutoire en cas de défaillance du locataire à l’égard de ses obligations essentielles (impayés, etc.)
Clause résolutoire
Dans un bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989, il est possible de prévoir une clause résolutoire de plein droit, en cas d’impayé (loyer, charges, dépôt de garantie).
La résiliation d’un bail d’habitation peut ainsi avoir été « prévue » à l’avance, par une clause du bail : la clause résolutoire.
Cette clause peut jouer pour les cas expressément prévus dans le contrat de location, mais dans la limite de ce qui est autorisé par la loi du 6 juillet 1989.
Est réputée non écrite (illicite) toute clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat en cas d’inexécution des obligations du locataire pour un motif autre que le non-paiement du loyer, des charges, du dépôt de garantie, la non-souscription d’une assurance des risques locatifs ou le non-respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée. La règle s’applique aussi pour un contrat de location en meublé, à venir ou conclu depuis le 27 mars 2014. Elle s’applique également pour tout contrat de location en meublé, conclu avant le 27 mars 2014, au jour du renouvellement ou de la reconduction de ce contrat.
Droit du locataire. La Cour de cassation a jugé que là où une clause résolutoire « avait été stipulée au seul profit du bailleur et que celui-ci demandait la poursuite du bail », le locataire « ne pouvait se prévaloir de l’acquisition de la clause » (Cass. 3e civ. 27.04.2017 n° 16-13625). La solution évite qu’un locataire puisse user de ce « stratagème » pour mettre un terme à son bail. Au vu de l’arrêt, un bailleur conserve ainsi le droit de renoncer au bénéfice de la clause résolutoire, prévue à son seul bénéfice, même après un commandement la visant expressément. Il ne paraît pas à cet égard indispensable de prévoir une marge de manœuvre dans un bail (formule du style « si bon semble au bailleur »), ou un commandement. Reste que, côté bailleur, pour se prévaloir de l’arrêt, il convient de (vite) réagir afin de manifester sa volonté de poursuivre le bail, par exemple en « lançant » en temps utile un référé-provision. Pour éviter qu’un locataire puisse se prévaloir d’une clause résolutoire afin d’échapper au paiement de loyers, un arrêt de la Cour de cassation invite à bien indiquer, pour tout contrat de location, que la clause est stipulée dans l’intérêt exclusif du bailleur. En l’espèce, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir limité la condamnation d’un locataire pour le paiement de loyers, au motif que la clause résolutoire du bail « n’était pas stipulée dans l’intérêt exclusif du bailleur » (Cass. 3e civ. 06.09.2018 n° 17-22767).
Mise en œuvre de la clause résolutoire = commandement
Pour pouvoir faire jouer la clause résolutoire d’un bail, il faut d’abord en passer par un commandement de payer (loi du 06.07.1989 art. 24, I). Ce commandement est à faire délivrer par un huissier.
Le commandement, délivré par un huissier, obéit à un formalisme particulier. Il doit notamment reproduire, à peine de nullité, certaines mentions. La clause résolutoire ne peut produire effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
Si ce commandement reste sans effet, il sera ensuite possible de saisir le juge des référés aux fins de faire constater la résiliation de plein droit du contrat de location, à certaines conditions.
Pour défaut d’assurance, il faut faire impérativement délivrer au locataire, par un huissier, un commandement d’avoir à justifier de la souscription d’une police sous un mois, et visant la clause résolutoire. Ce commandement doit indiquer, à peine de nullité, ce délai, avec obligation de reproduire le paragraphe suivant de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 : « Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut d’assurance du locataire ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Ce commandement reproduit, à peine de nullité, les dispositions du présent alinéa. »
Pour défaut de paiement du loyer ou des charges, ou pour non-versement du dépôt de garantie, il est impératif d’en passer d’abord par un commandement de payer, délivré par un huissier, laissant deux mois au locataire pour régulariser (loi du 6 juillet 1989, article 24).
Ce commandement de payer, qui doit être délivré par un huissier, doit respecter un certain formalisme.
À ce titre, jusqu’ici, un commandement de payer devait reproduire, à peine de nullité, les dispositions de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, outre les trois premiers alinéas de l’article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990, en mentionnant aussi la faculté pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement (FSL), dont l’adresse de saisine devait être précisée.
La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (JO du 24.11.2018), dite loi Elan, a modifié la liste des mentions requises dans un commandement, à peine de nullité.
Le commandement de payer doit comporter, à peine de nullité :
- la mention que le locataire dispose d’un délai de deux mois pour payer sa dette ;
- le montant mensuel du loyer et des charges ;
- le décompte de la dette ;
- l’avertissement qu’à défaut de paiement ou d’avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s’expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d’expulsion ;
- la mention de la possibilité pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département, dont l’adresse est précisée, aux fins de solliciter une aide financière ;
- la mention de la possibilité pour le locataire de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l’article 1343-5 du Code civil.
Côté ADB, veillez à ce qu’un huissier, mandaté pour délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire, fasse bien le nécessaire pour les nouvelles mentions requises dans un délai de 15 jours à compter de sa signification au locataire. À défaut, la caution ne peut être tenue au paiement des pénalités ou des intérêts de retard.
Le commandement doit être signifié à l’éventuelle caution du locataire dans un délai de 15 jours à compter de sa signification au locataire. À défaut, la caution ne peut être tenue au paiement des pénalités ou des intérêts de retard.
Un mécanisme particulier doit être respecté par l’huissier, chargé de délivrer le commandement, si le bailleur est une personne physique ou une SCI familiale. Dans les conditions fixées par un décret n° 2015-1384 du 30 octobre 2015 (JORF du 31.10.2015 n° 0253), l’huissier est parfois tenu de faire un signalement auprès de la « commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives » (CCAPEX).
Ce signalement doit être effectué lorsque :
- le locataire est en situation d’impayé de loyer ou de charges locatives sans interruption depuis une durée fixée en mois par un arrêté préfectoral, comprise entre trois et six mois ;
- ou si la dette de loyer ou de charges locatives du locataire est équivalente à un multiple, fixé par un arrêté préfectoral, compris entre trois et six fois le montant du loyer mensuel hors charges locatives.
Frais. Si un bailleur se voit contraint de faire délivrer par huissier un commandement pour faire jouer la clause résolutoire, il a été jugé que le coût de l’acte, dont l’accomplissement est prescrit par la loi (loi du 06.07.1989 art. 24), doit « rester à la charge du locataire » (Cass. 3e civ. 28.06.2018 n° 17-15782).
Suites au commandement
Si un commandement reste infructueux, il faut en passer par une procédure judiciaire, dans les conditions prévues par l’article 24 de la loi de 1989. Il faut à ce titre faire délivrer au locataire concerné, par un huissier, une assignation aux fins de constat de résiliation du contrat de location.
Un bailleur personne morale (autre qu’une SCI familiale) ne peut faire délivrer, sous peine d’irrecevabilité de la demande, une assignation (motivée par une dette locative) avant l’expiration d’un délai de deux mois suivant la saisine de la CCAPEX.
Quelle que soit la qualité du bailleur, à peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation doit en outre être notifiée par l’huissier au préfet au moins deux mois avant l’audience.
Un décret n° 2017-923 du 9 mai 2017 (JORF du 10.05.2017 n° 0109) impose qu’un « document d’information » soit fourni au(x) locataire(s) en cas d’assignation visant à voir prononcer ou constater la résiliation d’un bail régi par la loi du 6 juillet 1989 (location nue ou en meublé), quel qu’en soit le motif. Lorsqu'une assignation visant à voir prononcer ou constater la résiliation d'un bail, quel qu'en soit le motif, est délivrée, l'huissier de justice doit déposer au domicile ou à la résidence du destinataire, par pli séparé de l'avis de passage prévu par ces articles, un document rappelant les date, horaire et lieu de l'audience et destiné à l'informer de l'importance de sa présentation à l'audience ainsi que de la possibilité de déposer, avant l'audience, une demande d'aide juridictionnelle et de saisir les acteurs qui contribuent à la prévention des expulsions locatives. Il a été prévu qu’un modèle type de document d’information, établi par les pouvoirs publics, soit mis à disposition des huissiers par le biais des chambres départementales des huissiers de justice.
Pouvoirs du juge. La loi reconnaît au juge divers pouvoirs, lorsqu’un bailleur entend se prévaloir d’une clause résolutoire liée à des impayés de loyers. Un juge peut faire obstacle à la mise en œuvre d’une clause résolutoire liée à des impayés de loyers, au titre de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans les conditions suivantes.
Un juge peut ainsi, même d’office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, au locataire en situation de régler sa dette locative. Cette décision suspend alors les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le bailleur. Lorsque des délais sont ainsi accordés, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus. Le locataire n’en reste pas moins tenu de payer son loyer et ses charges. Si le locataire parvient à apurer sa dette dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Ce régime s’applique pour un bail/contrat à venir, mais aussi pour toute location nue ou en meublé en cours, quelle que soit la date de signature du bail ou du contrat.
Le dispositif légal a été retouché par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (JO du 24.11.2018), dite loi Elan.
La loi Elan a instauré des règles particulières lorsqu’une procédure de traitement du surendettement a été ouverte au bénéfice du locataire et lorsqu’au jour de l’audience, le locataire a repris le paiement du loyer et des charges (loi du 06.07.1989, art. 24 VI). Lorsqu’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire a été imposé par la commission de surendettement des particuliers ou prononcé par le juge, ou si un jugement de clôture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire est rendu, le juge doit en principe suspendre les effets de la clause de résiliation de plein droit pendant un délai de deux ans à partir de la date de la décision imposant les mesures d’effacement ou du jugement de clôture. Ce délai ne peut affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges Si le locataire s’acquitte du paiement des loyers et des charges conformément au contrat de location pendant le délai de deux ans, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.
Il a été jugé que, ni l'article L 622-21 du Code de commerce, ni l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 « ne font obstacle à l'action aux fins de constat de la résolution d'un contrat de bail d'habitation par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement de liquidation judiciaire, dès lors que le locataire n'a pas demandé de délais de paiement, cette circonstance permettant seule de suspendre les effets de la clause » (Cass. com. 23.10.2019 n° 18-14823).
Incidence de la crise sanitaire (coronavirus). Une ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (JO du 26.03.2020) a créé divers textes pour tenir compte du dispositif d’état d’urgence sanitaire, créé pour faire face à l’épidémie de COVID-19. Une ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 (JO du 14.05.2020) est venue préciser en dernier lieu que la période de référence concernée, dite juridiquement protégée (PJP), est la période courant du 12 mars 2020 au 23 juin 2020 inclus.
Un texte de l’ordonnance n° 2020-306, son article 4, concerne certaines clauses de contrats. Il a été précisé que le dispositif prévu concerne des pénalités contractuelles (rép. min. : JOAN 26.05.2020 p. 3687 n° 28385).
En faisant simple, le dispositif paralyse le jeu d’une clause résolutoire d’un contrat. Précisément, une clause qui vise à sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, est réputée n’avoir pas produit effet, si le délai a expiré pendant la PJP. La date à laquelle la clause produit son effet est reportée d’une durée, calculée après la fin de la PJP, « égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12.03.2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée » (ord. 2020-306 art. 4, al. 2) .
Une fiche technique, mise à jour par la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la Justice, est venue préciser les modalités d’application de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 pour un bail d’habitation, en cas d’impayé d’un locataire. Des exemples ont été fournis selon que la clause résolutoire du bail a produit effet avant le 12 mars 2020, doit produire effet entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, ou doit produire effet après le 23 juin 2020.
Les règles à prendre en compte sont les suivantes.
Règle 1. Le paiement d’obligations contractuelles n’a pas été suspendu pendant la PJP, et des échéances contractuelles devaient toujours être respectées. Un locataire était/est donc tenu de payer son loyer chaque mois à la date prévue.
Règle 2. Là où la clause résolutoire du bail doit/devait produire effet après la fin de la PJP (le 23 juin 2020), le report prévu par l’article 4, alinéa 3 de l’ordonnance n° 2020-306, dans sa version issu par une ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 (JO du 16 avril 2020), n’est pas applicable. P.ex. en cas d’impayé pour un loyer à payer après le 23 juin 2020, un bailleur pouvait ainsi (vite) adresser un commandement visant la clause résolutoire. La clause devant produire son effet après la fin de la PJP, elle n’est pas affectée par l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306.
Règle 3. Un locataire peut/pouvait régulariser sa situation en payant son loyer jusqu’à la date à laquelle la clause résolutoire doit prendre son effet.
Exemple 1 : le loyer qui devait être payé le 1er février ne l’a pas été. Le bailleur a adressé un commandement de payer visant la clause résolutoire à son locataire le 15 février 2020 ; elle devait produire son effet le 15 avril 2020, pendant la période juridiquement protégée ; elle est donc paralysée en vertu de l’alinéa 1 de l’article 4. En vertu de l’alinéa 2, la date de prise d’effet de la clause est reportée d'une durée, calculée après la fin de la période juridiquement protégée, égale au temps écoulé entre le 12 mars (la date de naissance de l’obligation étant antérieure) et le 15 avril (date à laquelle la clause devait produire son effet), soit un mois et trois jours. La clause produira donc son effet le 27 juillet, si le locataire n’a pas régularisé sa situation à cette date.
Exemple 2 : le loyer qui devait être payé le 1er avril 2020 ne l’a pas été. Le bailleur a adressé un commandement de payer visant la clause résolutoire à son locataire le 15 avril ; elle devait produire son effet le 15 juin 2020, pendant la période juridiquement protégée ; elle est donc paralysée en vertu de l’alinéa 1 de l’article 4. En vertu de l’alinéa 2, la date de prise d’effet de la clause est reportée d'une durée, calculée après la fin de la période juridiquement protégée, égale au temps écoulé entre le 1er avril (date de naissance de l’obligation) et le 15 juin (date à laquelle la clause devait produire son effet), soit 2 mois et 15 jours. La clause produira donc son effet le 8 septembre 2020, si le locataire n’a pas régularisé sa situation à cette date.
Exemple 3 : le loyer qui devait être payé le 1er mai ne l’a pas été. Le bailleur a adressé un commandement de payer visant la clause résolutoire à son locataire le 15 mai 2020 ; elle doit produire son effet le 15 juillet 2020, après la fin de la période juridiquement protégée, donc elle n’est pas affectée par l’article 4 de l’ordonnance.
Exemple 4 : le loyer qui devait être payé le 1er juillet 2020 ne l’a pas été. Le bailleur a adressé un commandement de payer visant la clause résolutoire à son locataire le 15 juillet 2020 ; elle doit produire son effet le 15 septembre 2020, après la fin de la période juridiquement protégée, donc elle n’est pas affectée par l’article 4 de l’ordonnance.
Référence : DACS « Conséquences de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 en matière de baux d’habitation en cas de défaut de paiement du locataire » 11 mai 2020 (http://www.justice.gouv.fr)