Le Conseil constitutionnel vient de se prononcer, ce 22 novembre 2024, sur la constitutionnalité d'un texte applicable en matière d'expropriation (droit de rétrocession). Verdict?
Dans un conseil (A&C Immobilier 20ème année n°14 p.1), nous avons évoqué le droit légal de rétrocession reconnu à un propriétaire (ou un ayant-droit) à la suite d'une expropriation (C. expro. art. L. 421-1 et s. - cliquer ici).
En faisant simple, le Code de l'expropriation pour cause d’utilité publique prévoit ce droit légal de rétrocession dans le cas où un immeuble exproprié n’a pas reçu, dans un délai de cinq ans à compter d'une ordonnance d’expropriation, la destination prévue par la déclaration d’utilité publique.
Le droit légal de rétrocession permet à l'ex-propriétaire (ou un ayant-droit) de racheter le bien concerné, suivant un prix fixé à l’amiable ou par le juge.
Dans le cadre de notre conseil, nous avons évoqué la saisine du Conseil constitutionnel, dans le cadre de la procédure dite «QPC», portant sur l'article L. 421-3 du Code de l'expropriation pour cause d’utilité publique (cliquer ici).
Ce texte dispose qu'à peine de déchéance, le «contrat de rachat est signé et le prix payé dans le mois de sa fixation, soit à l'amiable, soit par décision de justice».
Le Conseil constitutionnel vient de rendre sa décision, ce 22 novembre 2024 (Conseil constitutionnel, décision 2024-1112 QPC du 22-11-2024).
Le Conseil constitutionnel a jugé que l'article L. 421-3 du Code de l'expropriation pour cause d’utilité publique est conforme à la Constitution, mais en posant une importante réserve d'interprétation.
Pour juger que le texte est conforme à la Constitution, le juge constitutionnel a considéré qu'en «imposant un délai d’un mois, à peine de déchéance, pour la signature du contrat de rachat ainsi que pour le paiement du prix, le législateur a entendu encadrer l’exercice du droit de rétrocession afin de prévenir l’inaction de son titulaire».
Le Conseil constitutionnel a souligné que le délai d'un mois «court, une fois que l’intéressé a fait valoir son droit de rétrocession, à compter de la fixation du prix. Or, cette dernière n’intervient qu’après que les parties se sont accordées à l’amiable sur ce prix ou, à défaut d’accord, qu’à la suite d’une décision de justice». Dès lors, le texte ne fait pas obstacle, par lui-même, à l’exercice du droit de rétrocession par l’ancien propriétaire ou ses ayants droit.
Le Conseil constitutionnel précise néanmoins, sous forme de réserve, que l'article L. 421-3 du Code de l'expropriation ne saurait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles, être interprété «comme permettant que la déchéance du droit de rétrocession soit opposée à l’ancien propriétaire ou à ses ayants droit lorsque le non-respect du délai (...) ne leur est pas imputable» (décision 2024-1112 QPC parag. 9).
Ainsi, en pratique, grâce à cette réserve d'interprétation, un propriétaire (ou un ayant-droit) peut à bon droit contester la déchéance de son droit de rétrocession (lorsqu'elle lui est opposée par l'expropriant) s'il démontre que le non-respect du délai d'un mois ne lui est pas imputable.
- Pour consulter la décision du Conseil constitutionnel (et les ressources documentaires): cliquer ici
Références
- Conseil constitutionnel, décision n°2024-1112 QPC du 22 novembre 2024
- Site internet du Conseil constitutionnel
La déchéance du droit de rétrocession ne peut être opposée à l’ancien propriétaire (ou un ayant droit) si le non-respect du délai légal d'un mois, prévu pour la finalisation du contrat de rachat et le paiement du prix, ne lui est pas imputable.