La Conseil d'Etat vient d'apporter une importante précision, le 18 novembre 2024, sur la manière dont une délibération instaurant un droit de préemption urbain (DPU) devient exécutoire. Explications...
Une commune ou intercommunalité (un EPCI) peut instaurer par délibération, dans certains zones, un «droit de préemption urbain» (DPU) dans certaines zones, sous conditions (C. urb. art. L. 211-1 - cliquer ici).
Le DPU permet à la commune/intercommunalité (ou un délégataire), dans une zone concernée, d’acquérir prioritairement un bien mis en vente, à la suite d’une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) qui est à régulariser.
L'instauration du DPU suppose qu'une délibération soit adoptée en bon ordre par le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent.
Le DPU ne devient effectif dans une zone concernée que lorsque la délibération devient exécutoire.
L'article R. 211-2 du Code de l'urbanisme (cliquer ici) précise que la délibération créant un DPU (ou en modifiant le champ d'application) doit être affichée en mairie pendant un mois (la date à prendre en considération pour l'affichage est celle du premier jour où il est effectué).
La délibération doit en outre donner lieu à une mention insérée dans deux journaux diffusés dans le département.
Le texte dispose que les «effets juridiques attachés à la délibération (...) ont pour point de départ l'exécution de l'ensemble des formalités de publicité» précitées.
Le Conseil d'Etat a jugé en 2022 que les obligations prévues par l'article R. 211-2 du Code de l'urbanisme constituent «des formalités nécessaires à l'entrée en vigueur des actes instituant le droit de préemption urbain» (CE 8-12-2022 n°466081 - cliquer ici).
Cette solution a été reprise par certains juges (ex.: CAA Bordeaux 5-11-2024 n°22BX02370 - cliquer ici ; contra: CAA Marseille 12-3-2024 n°22MA02533 - cliquer ici).
Par un arrêt rendu le 18 novembre 2024, le Conseil d'Etat a adopté une position différente.
Le Conseil d'Etat a jugé que la délibération instituant un DPU est exécutoire dès qu'elle a fait l'objet des formalités de publicité prévues par certains textes du Code général des collectivités territoriales (cliquer ici), et qu'elle a été transmise au représentant de l'Etat.
Pour le Conseil d'Etat, si la délibération instituant le DPU doit certes faire l'objet d'un affichage pendant un mois en mairie, et que mention doit en être insérée dans deux journaux diffusés dans le département, le «respect de cette durée d'affichage et celui de cette obligation d'information par voie de presse sont sans incidence sur la détermination de la date à laquelle cette délibération devient exécutoire» (CE 18-11-2024 n°487885).
Ainsi, au vu de l'arrêt du Conseil d'Etat, l'absence d'affichage en mairie pendant un mois et d'information par voie de presse d'une délibération instaurant le DPU n'empêche pas celle-ci d'être exécutoire, dès lors que les autres formalités ont bien été respectés.
Au vu de l'arrêt, une décision de préemption ne peut être annulée au seul motif de l'absence de respect de l'obligation d'information par voie de presse, telle que prévue par l'article R. 211-2 du Code de l'urbanisme, concernant la délibération.
- Pour consulter l'arrêt du 18 novembre 2024: cliquer ici
La décision invite à la plus grande prudence les notaires et agents immobiliers dans le cadre de leurs activités, là où des délibérations sont susceptibles d'être adoptées afin d'instaurer un DPU, ou d'en modifier le champ d'application (poser une veille à ce sujet).
Relevons qu'une mairie (ou l'EPCI) doit adresser «sans délai» à la chambre départementale des notaires copie des actes ayant pour effet d'instituer ou de modifier le champ d'application du DPU (C. urb. art. R. 211-3 - cliquer ici).
Référence
- Conseil d'Etat 1ère et- 4ème chambres réunies 18 novembre 2024 n°487885
L'absence d'affichage en mairie pendant un mois et d'information par voie de presse d'une délibération instaurant le DPU n'empêche pas celle-ci d'être exécutoire, dès lors que les autres formalités ont bien été respectés.