Une proposition de loi, déposée le 7 novembre 2024, vise à modifier le cadre légal concernant la mise en œuvre de l'obligation de «décence énergétique» en matière de location de logement. Que-faut-il savoir?

Depuis le 1er janvier 2023, en vertu de l’article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 (cliquer ici) et de l’article 3bis du décret 2002-120 du 30 janvier 2002 (cliquer ici), tout logement individuel (maison...) ou en mono/copropriété, pour pouvoir être loué (hors meublé de tourisme), doit répondre à un «critère de performance énergétique minimale» pour être considéré comme décent. A ce titre, un logement doit avoir en l'état une consommation d’énergie finale inférieure à 450 kWhEF/m²/an, au vu d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) en ordre. Ceci concerne en pratique un logement classé «G+» par un DPE.

La réglementation va évoluer à compter du 1er janvier 2025, par suite de la réforme opérée par la loi n°2021-1104 du 22 août 2021, dite loi «Climat et résilience».

A compter du 1er janvier 2025, l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 (cliquer ici), prévoit qu'un logement devra répondre à un «niveau de performance énergétique» minimal pour être considéré comme décent. Au titre de la réglementation, pour être considéré comme décent au titre du critère dit de «décence énergétique», un logement devra être classé a minima F par un DPE à compter du 1er janvier 2025, puis E à compter du 1er janvier 2028, puis D à compter du 1er janvier 2034 (cf. décret 2002-120 art. 3bis I., au 1-1-2025 - cliquer ici). .

A compter du 1er janvier 2025, l'article 6 al. 10 de la loi du 6-7-1989 précisera (en l'état) que les «logements qui ne répondent pas aux critères précités aux échéances fixées» seront «considérés comme non décents».

Ainsi, en faisant simple, un logement classé G par un DPE ne pourra être (re)mis en location, à compter du 1er janvier 2025.

Précisément, à compter du 1er janvier 2025, la loi prévoit qu'un logement classé G par un DPE pourra donner lieu, en justice, aux mesures prévues par l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 (cliquer ici). Ce texte permettra à un locataire de demander en justice que le bailleur soit condamné à faire réaliser des travaux visant à permettre le respect du niveau de performance énergétique minimal requis. Le texte précise toutefois à titre dérogatoire que le juge ne pourra ordonner la réalisation de travaux dans certains cas (loi 6-7-1989 art. 20-1 al. 4 et s.). Le dispositif dérogatoire concerne des logements situés dans une copropriété, sous conditions (loi 6-7-1989 art. 20-1 al. 5 - cliquer ici), ou des logements «soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales», dans les conditions fixées par l'article 3 ter du décret du 30 janvier 2002 (cliquer ici).

La loi «Climat et résilience» a prévu que les nouvelles versions des articles 6 et 20-1 de la loi de 1989 entrent en vigueur le 1er janvier 2025, sans autre précision (loi 2021-1104 du 22‑8‑2021 art. 160 II).

Par le biais d'un communiqué diffusé sur le réseau social X (cliquer ici), un député, Monsieur Bastien Marchive, a annoncé le 30 octobre 2024 le dépôt d'une proposition de loi «transpartisane» visant «à prévenir les litiges relatifs aux obligations de décence énergétique et à sécuriser leur application en copropriété».

Cette annonce a été vite relayée par de nombreux médias, avec des présentations parfois hâtives ou discutables.

Le texte même de la proposition de loi dite «Marchive» a été publié, sur le site de l'Assemblée Nationale, uniquement dans la soirée du 7 novembre 2024.

La proposition de loi, qui comporte deux articles, a été cosignée par 159 députés (cliquer ici).

La proposition de loi vise notamment à modifier l'article 6 al. 10 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021. 

Le projet de texte tel que modifié vise à prévoir que l'obligation de décence énergétique «est réputée satisfaite quand:
1° Le logement a atteint le niveau de performance exigible à la date à laquelle le contrat de location a été conclu, reconduit ou tacitement renouvelé;
2° Le logement a une consommation énergétique finale conventionnelle inférieure à 450 kilowattheures par mètre carré de surface habitable et par an et, les travaux devant permettre l’atteinte du niveau de performance requis s’étant révélés impossibles pour des raisons techniques ou ayant été refusés par décision administrative, le propriétaire a réalisé tous les travaux d’amélioration énergétiques possibles au regard de ces contraintes;
3° Le logement est situé dans un immeuble relevant du statut de la copropriété et l’assemblée générale des copropriétaires a voté des travaux de nature à permettre le respect du niveau de performance exigible (...)».

Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, pour un logement qui n'est pas classé G+, un propriétaire-bailleur pourrait ainsi «être libéré de l’obligation d’atteindre le niveau de performance prévu par la loi s’il a réalisé tous les travaux de rénovation énergétique techniquement et juridiquement possibles. Cette mesure sécurise le fait que tous les travaux de rénovation énergétiques réalisables au regard des contraintes qui s’appliquent au logement ont été entrepris, sans les conditionner au respect d’un objectif par nature inatteignable». S’agissant d'un logement situé dans une copropriété, l’obligation de décence énergétique serait «suspendue» le temps de la réalisation de travaux votés en assemblée générale des copropriétaires.

La proposition de loi prévoit également qu'un locataire ne pourra «se prévaloir d’un manquement du bailleur à son obligation de délivrance d’un logement respectant les conditions de décence énergétique (...) s’il fait obstacle à l’exécution de travaux permettant le respect de cette obligation.»

La proposition de loi prévoit en outre de modifier l'article 20-1 (al. 4 et s.) de la loi du 6 juillet 1989. L'objectif est de prévoir, en cas de contentieux, et en «complément de la minoration de loyer de droit commun en cas d’indécence du logement» (cf. exposé des motifs), qu'une réduction de loyer pourra être ordonnée par le juge «jusqu’à l’exécution des travaux découlant de l’obligation de décence énergétique (...), tenant compte du préjudice supporté par le locataire et de la diligence du bailleur».

On relèvera que la proposition de loi ne prévoit pas, en l'état, de décret d'application pour la mise en œuvre du nouveau cadre légal ainsi envisagé.

La proposition de loi «Marchive» appelle d'ores et déjà de notre part les observations suivantes, s'agissant des conditions d'application dans le temps du critère de décence énergétique à partir du 1er janvier 2025.

Il découle de la proposition de loi que l'absence de décence énergétique pour un logement classé G ne concernerait qu'un bail d'habitation «conclu, reconduit ou tacitement renouvelé» (sic) à compter du 1er janvier 2025.

Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, en «cohérence avec le droit des contrats et afin de sécuriser les baux en cours», il est ainsi prévu que l'obligation de décence énergétique «ne s’applique, à compter de la date d’entrée en vigueur des niveaux de performance énergétique minimaux, qu’aux contrats nouvellement conclus. Pour les contrats en cours à cette échéance, l’interdiction viendrait s’appliquer au terme de la tacite reconduction ou du renouvellement».

On relèvera que la proposition de loi ne fait ici que reprendre la «doctrine» des pouvoirs publics à ce sujet (cliquer ici), doctrine qui a été reprise dans la notice d'information réglementaire qui doit être annexée aux contrats de location (arrêté ETLL1511666A du 29-5-2015 - annexe - rubrique 2.1. - cliquer ici).

La proposition de loi a néanmoins pour mérite de vouloir inscrire expressément, dans la loi du 6 juillet 1989, que le critère de décence énergétique ne s'appliquera pas immédiatement aux baux en cours aux échéances prévues par la loi «Climat et résilience» (et notamment au 1er janvier 2025 pour un logement classé G - sans être classé G+). Mais notez que le critère de décence énergétique devrait être respecté lors de la reconduction tacite du bail ou son renouvellement, en principe. Pour seul exemple et en faisant simple, s'agissant d'un bail d'habitation de trois ans régularisé le 1er novembre 2024 par une personne physique pour un logement classé G par un DPE (sans être classé G+), le classement minimal requis (classement F) serait uniquement exigible au 1er novembre 2027 (date de la tacite reconduction du bail), les autres conditions prévues étant par ailleurs réunies. 

La proposition de loi a été renvoyée pour examen à la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. 

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée (sans double navette) pour l'examen de la proposition de loi «Marchive», le vendredi 8 novembre 2024 (cliquer ici).

Notons qu'une association de consommateurs a d'ores et déjà réclamé l'instauration d'un mécanisme de compensation au profit de locataires, concernant le loyer, pour des logements situés dans des zones où s'applique le dispositif d'encadrement des loyers «Alur», ou situés en zone dite tendue  (CLCV communiqué du 4-11-2024: cliquer ici).

Attention! Le texte de la proposition de loi pourrait être amendé et complété au fil de la discussion parlementaire.

Pour que la réforme soit effective, la proposition de loi devra par ailleurs être définitivement adoptée par le Parlement, puis promulguée et publiée. 

Notons que le projet de réforme ne concerne pas les logements classés G+. En outre, la proposition de loi ne prévoit pas de modifier le mécanisme de «gel» des loyers pour un logement classé F/G (A&C Immobilier 18ème année n°10 p.1). Rappelons que ce mécanisme concerne tous les baux «conclus, renouvelés ou tacitement reconduits» depuis/après le 24 août 2022 (loi 2021-1104 du 22‑8‑2021 art. 159 IV).

Référence

  • Proposition de loi visant à prévenir les litiges relatifs aux obligations de décence énergétique et à sécuriser leur application en copropriété, n° 546, déposée le jeudi 7 novembre 2024 - enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 novembre 2024.    

La proposition de loi a notamment pour mérite de vouloir préciser expressément, dans la loi du 6 juillet 1989, que le critère de décence énergétique prévu par la loi «Climat et Résilience» ne s'applique pas immédiatement pour un bail d'habitation en cours au 1er janvier 2025, s'agissant d'un logement classé G (sans être classé G+). Le critère s'appliquerait uniquement à la date de reconduction tacite d'un bail (ou de son renouvellement), dans les conditions prévues par la loi.

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