Le Tribunal des conflits vient de rendre une décision, le 4 novembre 2024, qui intéresse la gestion locative de logements pour lesquels un bailleur perçoit directement l’aide au logement d’un locataire (AL/APL). Enseignement à tirer de la décision?
Lorsqu'un logement est loué à titre de résidence principale, le locataire peut bénéficier d'une aide au logement (APL/AL) versée par l'organisme payeur (Caisse d'allocations familiales ou MSA) pour assurer le règlement d'une partie de son loyer, sous conditions.
Le bénéfice de l'aide est subordonné au fait que le logement concerné soit décent, au sens de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 (CCH art. L. 822-9 - cliquer ici).
L'aide au logement peut être versée directement au bailleur à sa demande, par le mécanisme dit de tiers-payant (CCH art. L. 842-1 - cliquer ici).
Le versement direct de l'aide au bailleur est également conditionné au fait que le logement soit décent.
Lorsqu'il estime qu'un logement n'est pas décent, l'organisme payeur peut mettre en œuvre une procédure dite de conservation des allocations de logement, en application de l'article L. 843-1 du CCH (cliquer ici).
Concernant cette procédure, la Cour de cassation a jugé en décembre 2023 que lorsque l'organisme payeur «constate que le logement ne remplit pas les conditions requises pour être qualifié de décent, il conserve l'allocation de logement jusqu'à sa mise en conformité dans un délai au cours duquel le locataire s'acquitte du montant du loyer et des charges récupérables diminué du montant des allocations de logement, sans que cette diminution puisse fonder une action du propriétaire à son encontre pour obtenir la résiliation du bail. A défaut de mise en conformité, le montant de l'allocation de logement n'est pas récupéré par le propriétaire, lequel ne peut demander au locataire le paiement de la part de loyer non perçue correspondant au montant de l'allocation conservé». La Cour de cassation a en outre précisé que lorsque l'organisme payeur fait application de la procédure, le «propriétaire ne peut exiger du locataire que le paiement du montant du loyer et des charges récupérables, diminué du montant des allocations de logement» (cass. civ. 3ème 14-12-2023 n°22-23267 - cliquer ici).
La procédure de conservation des allocations de logement suppose qu'un constat de non-décence du logement concerné soit dressé par l'organisme payeur ou un opérateur dûment habilité par ses soins, dans le cadre d'une convention.
Dans une affaire, un particulier avait loué une maison d'habitation.
La Caisse d'allocations familiales (CAF) a versé directement au bailleur, à sa demande, l'aide au logement dont bénéficiait le locataire.
En cours de location, la CAF a décidé de mettre en œuvre la procédure de conservation des allocations de logement au vu d'un constat de non-décence de la maison, dressé par un opérateur, en application de l'article L. 843-1 du CCH.
Le bailleur a contesté la mise en oeuvre de la procédure par la CAF, en demandant notamment au juge saisi, en l'occurrence le Tribunal administratif de Montpellier, de prononcer l'annulation du constat de non-décence.
Le Tribunal administratif a décidé de saisir le Tribunal des conflits, qui est la juridiction compétente pour apprécier si un litige relève de la compétence d'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif (site internet: cliquer ici).
Le Tribunal des conflits a été ainsi appelé à se prononcer sur le juge compétent (administratif ou civil) pour se prononcer sur la demande d'annulation d'un constat de non-décence dressé en application de l'article L. 843-1 du CCH.
Au vu des textes applicables, le Tribunal des conflits a posé le principe suivant : les «contestations relatives aux aides personnelles au logement relèvent de la compétence du juge administratif. Il en va de même, à la supposer recevable, de la demande d'annulation du constat de non-décence», ceci «sans préjudice de la compétence du juge judiciaire pour apprécier la valeur probante de ce constat dans les litiges relevant de sa compétence» (T. confl. 4-1-2024 n°C4322).
En conséquence, le Tribunal des conflits a donc jugé en l'espèce que la juridiction de l'ordre administratif était compétente pour se prononcer sur la demande formée à l'encontre de la CAF par le bailleur tendant à l'annulation du constat de non-décence du logement.
Dans son arrêt rendu en décembre 2023, la Cour de cassation avait déjà pu souligner qu'un recours portant sur la mise en œuvre par une CAF de la procédure de conservation des allocations de logement pour non-décence relève de la compétence du juge administratif, en application de l'article L. 825-1 du CCH (cliquer ici).
- Pour consulter la décision du 4 novembre 2024: cliquer ici
Références
- Tribunal des Conflits - décision n°C4322 du 4 novembre 2024
- Site internet du Conseil d'Etat - base Judilibre
Le juge administratif est compétent pour se prononcer sur une demande d'annulation par un bailleur d'un constat de non-décence d'un logement, établi pour le compte d'une CAF, dans le cadre de la procédure de conservation des allocations de logement (APL/AL).