Le Conseil d'Etat a été appelé à se prononcer sur la «mesure de faveur» instaurée en février 2024 par l'administration fiscale en matière de location d'un meublé de tourisme non classé. Que faut-il savoir?
La loi de finances pour 2024 (art. 45 - cliquer ici) est venue modifier le régime fiscal en matière de location d'un «meublé de tourisme», au sens du Code du tourisme (cliquer ici).
La loi est venu notamment modifier les modalités d'application du régime «micro-BIC», au titre de l'article 50-0 du Code général des impôts (cliquer ici).
Cette réforme trouve son origine dans des amendements, présenté par des sénateurs, dans le cadre de l'examen de la loi de finances (cliquer ici et cliquer ici).
L'objectif de ces amendements a été «d’aligner le régime fiscal des locations de meublés de tourisme sur celui du régime du micro foncier pour locations nues avec l’application d’un abattement de 30% dans la limite de 15.000€ de recettes», et de «maintenir un régime dérogatoire dans les zones rurales» en prévoyant «un abattement supplémentaire de 21%, soit un taux d’abattement de 51% dans la limite de 15.000€ de recettes».
En pratique, la réforme a eu pour effet de réduire la «niche fiscale» en matière d'impôt sur le revenu pour des meublés non classés à 30% (au lieu de 50%) dans la limite de 15.000€ (au lieu de 77.700€).
Comme expliqué dans un flash info du 15 février 2024, l'administration fiscale (DGFiP) a apporté des précisions sur les modalités de mise en œuvre de la réforme dans le cadre d'une «actualité» publiée le 14 février 2024 (cliquer ici).
La DGFiP a notamment précisé que le nouveau régime fiscal trouvait en principe à s’appliquer pour les revenus de l’année 2023, y compris dans le cas où un contribuable bascule du régime «micro-BIC» vers un régime réel d’imposition (BOI-BIC-CHAMP-40-20 n°55 - cliquer ici) .
Afin «de limiter les conséquences d’une application rétroactive» de la réforme, la DGFiP a néanmoins admis dans son actualité (point 1. dernier alinéa) que «les contribuables puissent continuer à appliquer aux revenus de 2023» les règles prévues par l'article 50-0 du Code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à la réforme (cliquer ici).
Le Conseil d'Etat a été saisi en mars 2024 de plusieurs recours en excès de pouvoir visant à voir annuler l'actualité publiée par la DGFiP le 14 février 2024.
Par un arrêt rendu le 8 juillet 2024, publié sur son site internet le 12 juillet 2024, le Conseil d'Etat a décidé d'annuler le dernier alinéa du 1 de l'actualité attaquée, en ce qu'elle indique que les bénéficiaires de revenus concernés ont la possibilité d'appliquer, pour la détermination de leurs bases d'imposition au titre de 2023, les dispositions de l'article 50-0 du CGI dans sa rédaction antérieure à la réforme. Selon le Conseil d'Etat, en fournissant cette précision, l'administration fiscale a en effet «incompétemment ajouté à la loi».
Notons que le Conseil d'Etat n'a pas formellement annulé la doctrine fiscale, telle que mise à jour le 14 février 2024, laquelle prévoit la «mesure de tolérance» prévue dans l'actualité (BOI-BIC-CHAMP-40-20 n°55 - cliquer ici).
- Pour consulter l'arrêt du 8 juillet 2024: cliquer ici ou cliquer ici
En pratique, une publication des pouvoirs publics (Dila) du 10 juillet 2024 (cliquer ici) a indiqué que cette «annulation n'est toutefois pas rétroactive et n'aura pas de conséquence sur les contribuables ayant déclaré leurs revenus de 2023 dans les délais».
En droit, un contribuable qui se verrait infliger un redressement par les services fiscaux, au titre de l'arrêt du Conseil d'Etat, pourrait à notre avis s'y opposer à bon droit en se prévalant de l'article L. 80 du Livre des Procédures fiscales (cliquer ici).
Le Conseil d'Etat estime en effet que «les dispositions de cet article permettent à un redevable, alors même que serait ultérieurement intervenue l'annulation par le juge de l'acte, quel qu'il soit, par lequel elle avait été exprimée, de se prévaloir à l'encontre de l'administration de l'interprétation qui, dans les conditions prévues par l'article L. 80 A, était formellement admise par cette dernière» (CE avis n°353782 du 8-3-2013 - cliquer ici).
Notons qu'une nouvelle réforme de la fiscalité applicable pour les meublés de tourisme a été envisagée dans le cadre de l'examen par le Parlement de la proposition de loi «visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif», renommée proposition de loi «visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale». Le texte de la proposition de loi, tel qu'adopté (modifié) le 21 mai 2024 en première lecture par le Sénat, a prévu de modifier l'article 50-0 du CGI (cliquer ici). Le texte devait être examiné en commission mixte paritaire mais, en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale intervenue le 9 juin 2024 (cliquer ici), la discussion de la proposition de loi a été interrompue (cliquer ici). Cette réforme pourrait «passer à la trappe»...
Référence
- Conseil d'Etat 8ème chambre 8 juillet 2024 n°492382
Si le Conseil d'Etat a annulé la mesure de tolérance prévue par une note d'actualité de l'administration fiscale, cette annulation ne devrait pas avoir de conséquences pour les contribuables ayant déclaré en ordre leurs revenus de 2023.