Le Parlement a définitivement adopté, le 8 avril 2024, une loi qui concerne les troubles anormaux du voisinage. L'essentiel à savoir...
Suivant une jurisprudence constante, la Cour de cassation applique un «principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage» (ex.: cass. civ. 3ème 22-6-2022 n°21-17324 - cliquer ici).
La Cour de cassation estime à cet égard que l'action «fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l'immeuble à l'origine du trouble, responsable de plein droit» (cass. civ. 3ème 16-3-2022 n°18-23954 - cliquer ici).
La Cour de cassation estime aussi que l‘action fondée sur des troubles anormaux du voisinage «constitue, non une action réelle immobilière, mais une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui peut être dirigée contre tout voisin auteur des nuisances, quel que soit son titre d’occupation» (cass. civ. 3ème 20-5-2021 n°20-11926 - cliquer ici).
Comme cela vient d'être jugé avec fermeté le 4 avril 2024 par la Cour de cassation, la victime de troubles anormaux du voisinage (avérés) peut prétendre à une réparation intégrale de ses préjudices (cass. civ. 3ème 4-4-2024 n°22-21132 - cliquer ici).
En juillet 2023, des députés ont déposé une proposition de loi (cliquer ici) visant à introduire dans le Code civil «le principe de responsabilité fondée sur les troubles anormaux du voisinage, consacré par la jurisprudence, afin de garantir une application homogène sur l’ensemble du territoire national».
Dans le but de «poser les conditions d’un «vivre ensemble» équilibré», la proposition de loi a eu également pour objectif de définir les cas d'exonération de responsabilité, au titre de la théorie dite de la préoccupation (proposition de loi, exposé des motifs).
La proposition de loi a fait l'objet d'un examen par le Parlement dans le cadre de la procédure accélérée, à l'initiative du Gouvernement.
A la suite de l'accord trouvé en commission mixte paritaire entre députés et sénateurs, la proposition de loi, amendée et complétée, a été définitivement adoptée par l'Assemblée nationale, le 8 avril 2024.
La loi adoptée insère un nouvel article 1253 dans le Code Civil, ceci dans un chapitre consacré à la responsabilité contractuelle.
Le texte prévoit d'abord que le «propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte».
Le texte prévoit ensuite que la responsabilité «n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités, quelle qu’en soit la nature, existant antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s’être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal.»
Un nouvel article L. 311‑1‑1 est en outre inséré dans le Code rural et de la pêche maritime, afin de prévoir que la responsabilité prévue par l’article 1253 du Code civil «n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités agricoles qui se sont poursuivies, postérieurement à l’acte ouvrant le droit de jouissance de la personne qui allègue subir le dommage, dans des conditions nouvelles résultant de la mise en conformité de l’exercice de ces activités aux lois et aux règlements ou dans des conditions telles qu’il n’en résulte pas une aggravation substantielle du trouble par sa nature ou son intensité.»
La loi adoptée a également prévu d'abroger l'article L. 113-8 du Code de la construction et de l'habitation (cliquer ici).
Pour consulter:
- les travaux parlementaires: cliquer ici
- le texte adopté le 8 avril 2024: cliquer ici
Sous réserve d'une saisine du Conseil constitutionnel, la loi adoptée devrait être prochainement promulguée et publiée.
Références
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le 8 avril 2024, visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels T.A. n° 278
- Cour de cassation, 3ème chambre civile, 4 avril 2024 n°22-21132
Le régime de responsabilité sans faute (extra-contractuelle) en cas de troubles anormaux du voisinage, créé par la jurisprudence, est consacré par le législateur. La loi adoptée précise les conditions dans lesquelles la responsabilité est susceptible d'être écartée.