La procuration pour représenter un copropriétaire en assemblée générale
Un copropriétaire peut donner mandat à l’effet d’être représenté à l’assemblée générale (AG) - il délègue son droit de vote au mandataire
Réglementation
En vertu de l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965, tout copropriétaire peut déléguer son droit de vote en AG à un mandataire, que ce dernier soit ou non membre du syndicat. Un copropriétaire peut ainsi désigner un autre copropriétaire comme une personne étrangère à la copropriété. Toute clause contraire d’un règlement de copropriété est réputée non écrite (illicite).
La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (JO du 24.11.2018), appelée loi Elan, a retouché l’article 22 de la loi du 10.07.1965, concernant les délégations de vote en assemblée générale de copropriétaires.
À la suite de la loi, et comme par le passé, tout copropriétaire peut en principe déléguer son droit de vote en AG à un mandataire, que celui-ci soit (ou non) lui-même copropriétaire. Un mandataire ne peut recevoir plus de trois délégations (pouvoirs), en principe. Dans une copropriété avec syndicat(s) secondaire(s), un mandataire peut recevoir plus de trois pouvoirs pour une AG du syndicat principal, si tous ses mandants appartiennent au même syndicat secondaire.
Jusqu’ici, un mandataire pouvait recevoir plus de trois délégations de vote, si le total de ses voix et de celles de ses mandants ne dépassait pas un certain seuil, fixé à 5 % des voix du syndicat (SDC). Avec la loi Elan, ce seuil est porté à 10 %.
Ainsi, un mandataire peut recevoir plus de trois délégations de vote si le total des voix dont il dispose lui-même et de celles de ses mandants n’excède pas 10 % des voix du syndicat. Le mandataire peut, en outre, recevoir plus de trois délégations de vote s’il participe à l’assemblée générale d’un syndicat principal et si tous ses mandants appartiennent à un même syndicat secondaire.
Notons que, pour un lot de copropriété qui est la propriété commune ou indivise d’un couple marié, la loi Elan a consacré légalement une règle fixée par la Cour de cassation. Dans ce cas, chacun des époux peut recevoir personnellement des pouvoirs, dans les conditions et limites précitées (cf. Cass. 3e civ. 09.02.2017 n° 15-26268).
Syndic : gare aux incompatibilités ! L’article 22 de la loi du 10 juillet 1965 interdit au syndic, son conjoint et désormais son partenaire (pacs), outre ses préposés, de recevoir mandat pour représenter un copropriétaire. À la suite de la loi Alur du 24 mars 2014, les salariés du syndic, mais aussi leurs conjoints ou partenaires pacsés, leurs ascendants ou descendants, s’ils étaient copropriétaires dans l’immeuble concerné, ne pouvaient « pas porter de pouvoirs d’autres copropriétaires pour voter lors de l’assemblée générale ».
À la suite de loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (JO du 24.11.2018), dite loi Elan, les incompatibilités sont désormais les suivantes.
Un syndic, son conjoint, partenaire ou concubin, ne peut recevoir de mandat pour représenter un copropriétaire en AG. Il en va de même pour les ascendants et descendants du syndic, outre ceux de son conjoint, partenaire (Pacs), ou concubin. Un syndic professionnel ou non professionnel est concerné.
Les préposés du syndic, leur conjoint, partenaire ou concubin ne peuvent recevoir de mandat pour représenter un copropriétaire. Il en va de même pour les ascendants et descendants des préposés du syndic, ainsi que ceux de leur conjoint partenaire (Pacs) ou concubin. Il importe peu que les intéressés soient, ou non, copropriétaires, dans l’immeuble concerné. Notons que, selon la Cour de cassation, la notion de préposé n’implique pas nécessairement l’existence d’un contrat de travail (Cass. 3e civ. 07.05.2014 n° 13-11743) .
Notons qu’aucune des personnes précitées ne peut (plus) présider l’AG d’une copropriété (gérée par le syndic concerné).
Forme
La délégation du droit de vote doit prendre la forme d’un mandat écrit (ou « pouvoir »), clair et précis.
En pratique, ce mandat peut être donné pour une AG précise, mais aussi parfois de manière générale et permanente (Cass. 3e civ. 15.09.2015 n°14-16916).
Il a été jugé qu’un « mandat ne peut porter que sur les questions figurant à l’ordre du jour » de l’AG. À ce titre, là où un mandataire vote en AG pour une « décision » non visée à l’OJ, son mandant est bien fondé à en demander l’annulation, et ce y compris si elle a été votée à l’unanimité (Cass. 3e civ. 08.09.2016 n°15-23422).
Pouvoirs en blanc. La loi Elan a consacré, légalement, la règle suivante. Si un syndic « a reçu des mandats sans indication de mandataire, il ne peut ni les conserver pour voter en son nom, ni les distribuer lui-même aux mandataires qu’il choisit ». Côté syndic, veillez à faire le nécessaire en ordre pour que des pouvoirs en blanc soient bien remis en début d’AG à des personnes présentes, mais sans les attribuer personnellement (cf. Cass. 3e civ. 28.03.1990 n° 88-16259).
Subdélégation. La loi Elan est venue aussi préciser que « tout mandataire désigné peut subdéléguer son mandat à une autre personne, à condition que cela ne soit pas interdit par le mandat ». Un pouvoir (nominatif) peut ainsi être confié à un tiers par un mandataire, même s’il n’y a pas été autorisé formellement (cf. Cass. 3e civ. 16.03.2011 n° 10-14005). Côté syndic, informez utilement les copropriétaires.
Mandat impératif. Dans son pouvoir, un copropriétaire peut donner des instructions de vote à son mandataire pour telle ou telle résolution (ou une consigne générale). La Cour de cassation a toutefois jugé que le « caractère impératif du mandat est inopposable au syndicat des copropriétaires ». À ce titre, en AG, seul peut et « doit être pris en compte le vote exprimé par le mandataire » et un « syndic n’a pas le pouvoir d’empêcher un mandataire d’émettre un vote contraire aux consignes exprimées dans un mandat ». Un syndic peut à ce titre engager sa responsabilité, s’il refuse le vote du mandataire (Cass. 3e civ. 08.09.2016 n° 15-20860).
Départ du mandataire en cours d’AG. Dans ce cas, s’il ne remet pas son « pouvoir » à une autre personne lorsque cela est possible, son mandant doit être considéré comme défaillant pour le vote de toutes les décisions à adopter après son départ. Le mandant sera recevable à demander l’annulation de toute décision adoptée après le départ de son mandataire, à condition que sa demande repose sur un motif légitime (Cass. 3e civ. 08.09.2016 n° 15-20860).
En AG, un syndic doit veiller à ce que les nom/adresse du mandataire figurent dans la feuille de présence, et soit signée par l’intéressé (décret du 17.03.1967, art. 14). Notons que le refus injustifié d’un mandat, lors de la dresse d’une feuille de présence, peut entraîner l’annulation de l’AG (Cass. 3e civ. 15.09.2015 n° 14-16916).
Gare à la signature. Dans une affaire, un copropriétaire n’a pas hésité à demander l’annulation d’une AG en raison du défaut de signature sur le « pouvoir » donné, par un autre copropriétaire, à un mandataire. Ce pouvoir portait la seule signature du mandataire. En appel, les juges ont écarté la demande en expliquant que la feuille de présence était affectée d’erreurs matérielles sans conséquence sur la validité de l’AG. L’arrêt d’appel a été censuré, faute de s’être prononcé sur la problématique du défaut de signature du pouvoir (Cass. 3e civ. 13.09.2018 n° 17-23292) . L’arrêt invite tout syndic, qui assure en principe le secrétariat en AG, à bien vérifier que des pouvoirs ont été signés par les intéressés...
Ce qu’il faut aussi savoir
La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (JO du 24.11.2018), appelée loi Elan, comporte un chapitre spécifique, intitulé « Améliorer le droit des copropriétés », comprenant au final 15 articles. La loi comporte aussi divers articles, disséminés au fil du texte, qui ont modifié la loi du 10.07.1965. Un syndic de copropriété se doit de prendre en compte les modifications de la loi, dans le cadre de ses activités.
Organisation/tenue des AG. La loi Elan a créé un nouveau dispositif qui permettra aux copropriétaires de participer à une AG par « visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification ». Un vote par correspondance sera également possible, avant la tenue d’une AG, au moyen d’un formulaire. Un décret d’application est nécessaire pour que ce nouveau dispositif doit opérationnel (loi du 10.07.1965 nouv. art. 17-1 A). Ce décret n’avait pas encore été publié au 1er janvier 2019.
Précisément, l’article 17-1 A de la loi de 1965, créé par la loi Elan du 23 novembre 2018, est ainsi rédigé :
« Les copropriétaires peuvent participer à l'assemblée générale par présence physique, par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification.
Les copropriétaires peuvent, par ailleurs, voter par correspondance avant la tenue de l'assemblée générale, au moyen d'un formulaire. Les formulaires ne donnant aucun sens précis de vote ou exprimant une abstention sont considérés comme des votes défavorables. Sont également considérés comme défavorables les votes par correspondance portant sur des résolutions qui, à l'issue des débats en assemblée générale, ont évolué de manière substantielle.
Les conditions d'identification des copropriétaires usant de moyens de communication électronique pour participer à l'assemblée générale, les mentions du formulaire de vote par correspondance et ses modalités de remise au syndic sont définies par décret en Conseil d'Etat. »
La loi Elan a aussi habilité le gouvernement à prendre deux ordonnances, concernant les copropriétés.
Sous 12 mois à compter de la promulgation de la loi Elan, intervenue le 23 novembre 2018, le gouvernement pourra prendre par ordonnance des mesures visant, à partir du 01.06.2020, à « améliorer la gestion des copropriétés, et à prévenir les contentieux ». L’objectif est notamment de « clarifier, moderniser, simplifier et adapter les règles d’organisation et de gouvernance de la copropriété ».
Sous 24 mois à compter de la promulgation de la loi Elan, intervenue le 23 novembre 2018, le gouvernement pourra, par ordonnance, mettre en place un « code relatif à la copropriété des immeubles bâtis », afin de « regrouper et organiser l’ensemble des règles régissant le droit de la copropriété ».
Ces deux ordonnances n’avaient pas été publiées, au 1er janvier 2019.